Déjà considérée comme la première icône horlogère du 21e siècle, la Chanel J12 souffle cette année ses vingt bougies avec des versions bicolores spectaculaires et une étonnante édition limitée « passée aux rayons X ». Retour sur le parcours d’une création atypique.
Le croquis de la J12 par Jacques Helleu |
L’histoire de la J12, c’est d’abord celle d’un coup de crayon visionnaire de Jacques Helleu, directeur artistique des parfums Chanel et créateur en 1987 de sa toute première collection horlogère. Arrivé en 1956, à l'âge de 18 ans, rue Cambon, embauché par Pierre Wertheimer, le propriétaire de la maison lui demande d'être responsable "goût". Surnommé « l’œil » de la rue Cambon (l’adresse historique de la marque à Paris ), Jacques Helleu fut le premier à donner un visage aux parfums en associant des actrices célèbres aux campagnes publicitaires de Chanel. Puis en 1987, c’est lui encore qui fit entrer la marque dans le monde de l'horlogerie en transposant les codes de la maison dans la montre Première - un cadran octogonal rappelant le flacon du Chanel n°5 et un bracelet en chaîne comme les anses de sac à main. Suivront dans la même veine, les modèles Mademoiselle et Chocolat, avant d’en arriver en 2000 à ce véritable « big bang » créatif que représenta le lancement de la J12.
« Ma montre. Sept ans de réflexion pour trouver le noir absolu et l’habitude qui doit renforcer plaisir de regarder les heures, » écrit-il dans un livre d’art qui lui fut consacré en 2005 (éditions de La Martinière, Paris).
Homme élégant dans l’attitude comme dans l’apparence, sportif, passionné par le design industriel, les locomotives de Raymond Loewy et les bolides italiens Superleggera, Jacques Helleu voulait transposer dans ce nouvel objet tout ce qui lui tenait à cœur. Lors d’entretiens que j’eus la chance d’avoir avec lui, il me confia que le nom même de sa montre lui était venu à l’esprit en souvenir des bateaux construits par le Baron Bich pour la course de l’America Cup qu’il avait admiré dans le bassin d’Hyères. Des voiliers de course de 12 m de la Classe « J ».
Le noir, le blanc
Avec une résistance à l'eau de 200 m, une lunette de plongée crantée et un total look en céramique noire de haute technologie, douce et inrayable, la J12 devient en 2000 la première montre masculine de Chanel. Trois ans plus tard sort sa version blanche, qui provoque une véritable hystérie collective chez les rédactrices de mode et les fashionistas du monde entier. Un hype horloger comme on n’en avait rarement connu !
« Le blanc tient tout, le noir aussi. Ils sont la beauté absolue, c’est l’accord parfait » disait Mademoiselle Chanel. Elle qui n’aimait pas les montres féminines, préférant emprunter celles de ses amants, aurait probablement adoré cette création. Son design mixte, sobre et épuré, lui permet tout. Et en effet, la J12 s’est tout permis durant ces vingt dernières années, évoluant sans cesse entre masculin et féminin, sportivité, haute horlogerie, et joaillerie. L’an passé, ce modèle a connu une douce métamorphose sous l’égide d’Arnaud Chastaingt, Directeur du studio de création de l’horlogerie Chanel. Pour augmenter l’ouverture du cadran, la lunette crantée a été affinée, la couronne amincie et son cabochon réduit. Enfin le boitier a été légèrement agrandi afin de pouvoir accueillir le calibre 12.1 doté d’un dispositif stop seconde et une réserve de marche allongée jusqu’à 70 heures. Il s’agit d’un mouvement de base développé dans une nouvelle manufacture du groupe Rolex dans laquelle Chanel a pris une participation de 20%
Entre fusion et transparence
J12 Paradoxe: la blanche et noire |
J12 Paradoxe Diamonds |
Pour célébrer les 20 ans de son icône, Chanel présente trois éditions anniversaire qui la font apparaître sous un jour nouveau. Avec la J12 Paradoxe, ses deux teintes de prédilection – le noir, le blanc, fusionnent de façon asymétrique.« Cette esthétique, unique, est un véritable défi technique qui repose sur la découpe et l’association de deux parties de carrures de céramique de dimension différente ; l’une de couleur blanche, l’autre de couleur noire, » expliquent ses créateurs. « Ces deux parties sont ensuite assemblées sur un support métallique dans lequel la glace de fond est chassée. Une procédure de fabrication qui nécessite par ailleurs le façonnage d’éléments bicolores spécifiques : le cadran et la lunette ». Le même effet chromatique est repris dans une version joaillière, la J12 Paradoxe Diamonds, une série limitée de 20 exemplaires. Les couleurs sont ici inversés. La céramique noire y occupe les 2/3 de la carrure, avec en contraste sur la droite un pavage de diamants.
De son côté, le modèle J12 X-Ray joue la carte de la transparence intégrale, avec un boitier en saphir, et pour la première fois dans l’histoire de l’horlogerie, un bracelet faits de mailles taillées dans la même matière. Le cadran est en saphir aussi et serti d’index en diamant taille baguette. On retrouve la même taille de diamant sur la lunette, tandis que c’est un gemme en cabochon qui orne la couronne. Cet habillage luminescent permet d’admirer le cœur horloger de la pièce, le Calibre 3.1. Il s’agit de l’évolution d’un mouvement manufacture initialement apparu en 2018 sur une montre Boy Friend. Celui-ci avait déjà frappé les esprit lors de sa sortie en raison de sa construction faites de volutes symétriques. Il est ici traité dans le même esprit que le reste de la montre. La platine, le pont de minuterie, le pont de rouage sont en saphir. Ils s’effacent pour laisser passer la lumière et révéler une dentelle brodée de rouages. Un feu d’artifices de créativité technique marqué au sceau de l’exclusivité - Chanel n’en éditera que 12 exemplaires. Disparu en 2007, Jacques Helleu aurait sûrement été fier de la descendance que connait aujourd’hui « sa montre ».
J12 X-Ray |
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© Patrick Delaroche
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