Gombessa V: le retour des aquanautes |
Le biologiste français Laurent Ballesta et ses trois compagnons ont revu pour la première fois la lumière du jour hier dimanche au large de Marseille après avoir passé 28 jours à alterner les plongées autonomes de longue durée à 120m de profondeur et un séjour dans une capsule pressurisée de ...5 m2! Retour sur cette aventure exceptionnelle soutenue comme les précédentes expéditions Gombessa par la manufacture horlogère Blancpain.
Laurent Ballesta |
Tandis qu’en ce mois de juillet 2019 on célébrait le cinquantenaire des premiers pas d’Amstrong et Aldrin sur la lune, le biologiste marin Laurent Ballesta et trois autres plongeurs ont réalisé un exploit qui laissera lui aussi une trace dans l’histoire. La réussite de l’expédition Gombessa V marque en effet un tournant considérable en matière d’exploration sous-marine. La pression à 120 mètres étant 13 fois supérieure à celle en surface, les plongeurs munis de bouteille ne pouvait jusqu’ici qu’y faire de brèves incursions de 10, 20 ou 30 minutes, nécessitant 3, 4, 5 heures de remontée lente afin de décompresser sans danger. Moyennant 2 ans d'études préparatoire et un budget frisant les 3 millions d'euros, le projet Gombessa V vient de prouver que l’on pouvait allonger ces périodes d’exploration sous-marine grâce au mariage de deux techniques : la plongée à saturation (confinement dans un espace maintenu sous pression) et la plongée sportive profonde (utilisation de scaphandres recycleurs). Mais derrière cette mission parfaitement réussie sur le plan technique, se cache aussi l'exceptionnel exploit humain des 4 plongeurs. Durant ces 28 jours Laurent Ballesta, Antonin Guilbert, Thibault Rauby et Yannick Gentil ont en effet été confrontés à des conditions de vie particulièrement éprouvantes, confinés pendant leur repos dans un espace minuscule, et respirant durant la mission un mélange gazeux inhabituel composé majoritaire d'hélium (90%) et de seulement 2% d'oxygène.
Station bathyale
Comme les astronautes ont leur station spatiale, les aquanautes du projet Gombessa V avaient leur station bathyale – référence au terme qui en océanologie, désigne les grandes profondeurs à partir de -200 m, juste avant la zone abyssale. D’un volume de 10m2, la station était divisée en 3 parties : un module de vie, un module sanitaire et un module de transition appelé “tourelle de plongée” pour accéder aux fonds marins. Pour éviter les interminables paliers de décompression à faire lors d’une plongée classique, l’ensemble était maintenu en permanence à une pression identique à celle régnant à grande profondeur(la décompression ne s’est donc faite qu’à la fin de leur mission de quatre semaines, et a duré 4 jours).
La station bathyale du projet Gombessa V et la vue en coupe de ses 3 modules |
Le module de vie |
La station était installée sur une barge tractée par un remorqueur qui s’est déplacé au large des côtes méditerranéennes entre Marseille et Monaco pour explorer différents sites définis par la dizaine de laboratoires français et étrangers associés au projet.
Avant de partir en exploration les plongeurs enfilaient des sous-vêtements polaires, leur combinaison étanche et récupéraient leur scaphandre recycleur ; puis la tourelle était déconnectée du module principal et un système d’ascenseur la faisait descendre dans les profondeurs. Des heures durant Laurent Ballesta et son équipe ont ainsi pu étudier en toute liberté des espaces encore mal connus des biologistes. Les enjeux scientifiques étaient de taille : analyses des écosystèmes, recherches d’espèces rares, études des niveaux de pollution en Méditerranée... Il est évident que cette première mondiale apportera beaucoup de réponses, à une époque où les enjeux de conservation de la biodiversité sont enfin considérés comme primordiaux.. Mais cette expédition ouvre également de nouvelles perspectives pour l’archéologie sous-marine. Les plongeurs de Gombessa V ont effet exploré aussi plusieurs épaves, en y exécutant des travaux que ni les hommes ni les robots n’avaient pu réaliser avant eux. Par exemple, enlever un filet recouvrant l’épave du sous-marins français Protée gisant depuis 1943 à 125 m de profondeur afin de déterminer enfin la cause de son naufrage…
Les expéditions Gombessa
L’exploration sous-marine est dans l’ADN de la manufacture horlogère suisse Blancpain, créatrice en 1953 de la Fifty Fathoms, première montre de plongée moderne. Depuis 2004 son programme « Blancpain Ocean Commitment » soutient de multiples initiatives en faveur de la préservation des océans. Tel est le cas du travail mené par Laurent Ballesta dans le cadre du Projet Gombessa. Celui-ci doit son nom à l’appellation locale donnée en Afrique du Sud à un animal mythique dont l’étude fut l’objet d’une première expédition menée en 2013: le Cœlacanthe.
Redécouvert en 1938 alors qu’on le croyait disparu depuis 70 millions d’années, ce paisible géant de 2m de long doté de nageoires pédonculées et d’un poumon primitif porte en lui les traces du passage des poissons aux premiers vertébrés à 4 pattes qui sont sortis des eaux. Vu qu’il s’agit d’une espèce rarissime et vivant à plus de 100 mètres de profondeur, très peu d’observations directes du Cœlacanthe avaient pu en être faites avant l’expédition Gombassa I. Pour étudier cette légende vivante, Laurent Ballesta et son équipe ont réalisé pendant 40 jours des plongées extrêmes entre 110 et 140m de profondeur. Leurs efforts ont permis de récolter d’inestimables données scientifiques, ainsi que des images exceptionnelles donnant lieu à un documentaire qui fut présentée en prime time sur Arte. Laurent Ballesta à la rencontre du Cœlacanthe |
Par la suite, Laurent Ballesta s’est penché sur d’autres aspects méconnus de la vie des océans. Réalisée dans l’atoll de Fakarava en Polynésie française, la mission Gombessa II consistait à observer un rassemblement unique au monde de mérous marbrés du Pacifique et à illustrer la façon dont leur frai joue un rôle crucial dans l’équilibre de l’écosystème du lagon. Puis Gombessa III a mené Blancpain et Laurent Ballesta en Antarctique, pour une grande première en termes d’exploration, de plongée et de prises de vue : une incursion prolongée en dessous de la banquise, comprenant notamment un inventaire de la faune profonde. Enfin, la 4ème expédition Gombessa avait ramené l’explorateur français en Polynésie afin d’y nager au milieu de 700 requins gris.
Comme avec les précédentes expéditions, Gombessa V Planète Méditerranée fera l'objet d'un film documentaire long-format, d'une exposition et d'un livre, qui dévoileront en 2020 au public international les découvertes réalisées par l'équipe de Laurent Ballesta.
On en aura déjà un avant-goût en suivant ce lien: Gombessa V.
Crédits photos: Laurent Ballesta/Blancpain
Crédits photos: Laurent Ballesta/Blancpain
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© Patrick Delaroche
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