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Raynald Aeschlimann : « Omega est une marque qui a fait l’histoire».


Sous la direction de Raynald Aeschlimann, la marque phare du Swatch Group connaît depuis deux ans toute une série d’évolutions marquantes. Le président et CEO d’Omega revient ici sur les sujets les plus discutés du moment  dans le monde de l’horlogerie: le hype du vintage, les Millenials, et le commerce électronique. 

On aurait pu croire que, comme toutes les tendances, celle du vintage allait finir par disparaître. Or il n’en est rien, et nous avons l’impression que c’est presque maintenant devenu une catégorie à part entière dans les collections horlogères. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai qu’on pourrait se demander : est-ce un phénomène de mode ? Est-ce une classe de montres ? En ce qui concerne Omega,  je préfère employer le mot historique ; j’aime aussi le mot vintage, mais je fais une distinction entre les deux. Je pense que la Trilogie 1957 présentée l’an dernier, pour l’avoir refaite complètement comme elle était à l’époque, ça c’est de l’histoire, c’est de l’émotion. Il en va de même pour les deux montres à travers lesquels nous célébrons cette année les 70 ans de la Seamaster. On les appelle historiques, parce qu’avec elles, on a fait l’histoire chez Omega. Elles sont fidèles au design d’origine, mais nous n‘avons pas cherché à leur donner un aspect vieilli. Présenter une petite montre au cadran bruni sur un bracelet Berlutti bien usé parce que c’est tendance, ça pour moi c’est du vintage cheap. Par contre, il y a un engouement pour les anciennes montres Omega que nous désirons soutenir. Pour moi, c’est cela le vrai vintage, lequel est effectivement devenu une donne importante dans l’horlogerie. C’est la nouvelle génération qui a créé ce phénomène qui sans elle aurait depuis longtemps disparu. Les Millenials n’ont pas envie de recevoir une montre neuve pour leurs 20 ans. Ils veulent choisir eux-mêmes une montre qui leur ressemble, qui leur donne un certain style, et leur transmet l’amour de la belle horlogerie. C’est particulièrement fort dans la communauté Speedmaster. Evidemment on a d’immenses back orders sur la nouvelle Speed, mais on remarque que beaucoup de jeunes aiment bien posséder l’originale, celle qui a un peu vieilli avec le temps. Je trouve ça paradoxal, mais intéressant.
Edition limitée Seamaster 1948 Petite Seconde

 Vous ne liez donc pas le succès actuel du vintage aux collectionneurs, mais plutôt aux primo accédants ?
C’est exactement ça. Le phénomène actuel n’a rien à voir avec ce qui se passe dans les ventes aux enchères.  Il n’est pas motivé par la spéculation, mais concerne des montres anciennes que l’on achète pour les porter. Dans ce contexte, nous avons ouvert cette année un pop up store à Paris qui, pour la toute première fois dans l’histoire de la marque, ne vend que des bracelets. En effet, nous nous sommes rendu compte que les jeunes qui portent ces montres vintage ont envie d’avoir un bracelet qui leur ressemble et apporte une touche de modernité à leur look. Nous voulons aller vers ces gens-là, parce qu’on pense que la passion des montres commence là.

Suivez-vous d’autres pistes pour soutenir ce phénomène?
Là encore vous soulevez un point d’actualité que j’ai d’ailleurs évoqué lors de la dernière conférence de presse du Swatch Group. Il y a 10 ans déjà, nous avons conclu un partenariat avec Somlo, un grand spécialiste des montres vintage établi dans Burlington Arcade, à Londres. L’authenticité des pièces était déjà là, mais j’aime bien l’idée d’avoir officialisé ce qu’ils font. Outre le fait, que les anciennes montres Omega qu’ils vendent reçoivent une garantie de deux ans, nous collaborons avec eux autour d’une sorte de charte éthique. Par exemple, ne pas remplacer un cadran vieilli par une imitation. Ou on le laisse, ou on le répare. Aujourd’hui, nous pensons donner une suite à cette expérience. Je dirais même en essayant de la mettre au goût du jour, par exemple avec des gens qui ne seraient pas forcément des partenaires d’Omega, mais pourraient le devenir dans ce domaine-là. Lors du dernier salon Baselworld j’ai rencontré pas mal de personnes intéressées par ce projet.

On remarque cette année qu’Omega a largement retravaillé le design de ses montres. Qu’est-ce qui motive cette évolution stylistique?
Nous vivons dans un monde où la clientèle rajeunit. Selon ce que nous rapportent nos détaillants, les clients d’Omega ont aujourd’hui entre 25 et 35 ans. C’est une clientèle très exigeante, qui nous impose de faire parler notre créativité. Sans remettre en cause l’intégrité du modèle d’origine, la célébration du relief de la lune à travers le travail décoratif fait sur le mouvement d’une montre comme la nouvelle Speedmaster Dark Side of the Moon Apollo 8 a été faite pour surprendre cette clientèle. Vous remarquerez qu’il ne s’agit pas d’une série limitée. Nous avons en effet envie que cette pièce devienne une source d’inspiration pour le futur. C’est aussi ce qui nous a poussé à repenser tous les détails de la Seamaster Diver 300M qui célèbre ses 25 ans d’existence avec 14 nouvelles versions inédites, toutes entrainées par le calibre Master Chronometer 8800. 

Nouvelle Omega Seamaster 300M

 Vous lancez également un tout nouveau modèle féminin. Quelle part les femmes occupent-elles aujourd’hui dans la clientèle d’Omega?
Je suis très fier de pouvoir vous dire que nous sommes à 50/50. Parce que sous nos latitudes, je parle de l’Europe, un nombre de plus en plus important de femmes portent des Speedmaster et des Seamaster  dans des diamètres de 37, 38 ou 40mm qui étaient autrefois des tailles homme. Maintenant, ce que nous avons voulu faire avec la Trésor, c’est nous tourner vers des jeunes femmes désireuses de porter une montre différente de celle de leur mari  ou compagnon– plus petite, plus fine, avec des diamants. Comme je l’ai déjà dit précédemment, nous sommes aujourd’hui confronté à une nouvelle génération qui choisit elle-même sa montre plutôt que de se la faire offrir, et qui selon nos détaillants attendait une montre comme celle-ci.  C’est aussi pour nous l’occasion de montrer que nous avons la capacité créative de construire une identité nouvelle autour d’une référence historique. On retrouve sur la nouvelle Trésor les beaux chiffres romains d’un ancien modèle de la collection De Ville dont elle porte le nom ; mais ce n’est absolument pas la réplique  « one to one » d’une montre faite il y a 50 ans !
Omega Trésor

 Vous avez lancé récemment un site de e-commerce aux Etats-Unis. Vos détaillants européens doivent-ils s’en inquiéter?
Je pense que les Etats-Unis étaient un marché exemplaire pour développer le e-commerce comme je le voulais : non pas en alignant des montres les unes à côté des autres, mais avec de l’émotion. Ce site connaît depuis son ouverture un grand succès, parce que le marché local en avait besoin. D’abord, parce que cela répond à la notion de « convenient »  chère aux Américains ; ensuite, parce que dans trois états des Etats-Unis, nous n’avions pas de point de vente. Ceci dit, nous ne pensons pas comme certaines autres marques que le e-commerce est la solution à tous les problèmes. On ne peut pas exclure d’y faire appel un jour en Europe, mais ce sera toujours en lien avec l’évolution des marchés locaux où nos équipes ont la faculté d’être très proches des détaillants. Si nous le faisions, ça serait dans le but d’augmenter non seulement le chiffre d’affaires et l’image de la marque, mais également la disponibilité de nos montres auprès des consommateurs. Donc, aussi longtemps que nos détaillants joueront le jeu, je pense que nous n’aurons pas forcément besoin de web shop en Europe. J’ajouterai qu’il y a une sorte de célébration dans le fait d’acheter une montre Omega dont il vaut mieux faire l’expérience dans un point de vente physique proche de chez soi. Et pour l’instant, en Europe, nous avons une très belle distribution de proximité.

(Première publication: STYLE Trends N°5, 12 septembre 2018)

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